GALERIE NICOLAS FOURNERY

Paire de verseuses à café lighthouse bleu et blanc. Qianlong

Décorées en bleu et blanc, de forme conique, chacune avec un bec d’oiseau et une poignée de forme élaborée, peintes en bleu sous couverte avec des branches fleuries, le pietement avec un rebord et des bordures décoratives, le couvercle en dôme décorée de même.

Origine :
Chine
Époque :
Époque Qianlong (1736-1795), vers 1730-1740
Matière :
Porcelaine
Taille :
34 cm
Prix :
Sur demande
Statut :
disponible

Provenance

Café, plaisir au goût d’amertume, Musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis, 2022

Notice

Le café est une plante originaire d’Ethiopie. Sa domestication et sa véritable culture à des fins de consommation et de commercialisation sont maîtrisées en Arabie à partir du XVe siècle. Les routes de pèlerinage vers la Mecque favorisent sa diffusion dans le monde ottoman où il offre une alternative à l’interdit frappant l’alcool. Le café pénètre en Europe par les ports commerçant avec le Levant : Venise puis Marseille où les premiers ballots arrivent en 1644. Son commerce commence à se développer à partir des années 1660 sous l’impulsion de commerçants juifs, grecs et arméniens qui l’introduisent en Angleterre, Hollande, Allemagne et en France.  Ainsi la VOC, la compagnie néerlandaise des Indes orientales livre à Amsterdam une première cargaison de café vendue aux enchères en 1661, mais c’est l’envoi de l’émissaire du sultan de l’Empire ottoman, Mehmet IV, à Vienne en 1665 et à Paris en 1669 qui scelle définitivement la mode du café auprès de l’aristocratie européenne. Soleyman Aga Mustapha Raca est en effet contraint d’attendre plusieurs mois en 1669 avant d’être reçu par le roi Louis XIV. Au cours de son séjour en France près de Paris, l’envoyé du sultan, cultivant l’art de la paix, reçoit des aristocrates et les honore du rituel de sociabilité oriental en leur offrant le café. Cet événement fondateur est destiné, par un intéressant phénomène d’acculturation, à jouir d’une immense prospérité en France et plus largement en Europe, où la consommation de café devient partie intégrante de l’art de vivre, d’abord des élites jusqu’à la fin du XVIIe siècle, avant de se répandre parmi la population métropolitaine lorsque la production de café de Bourbon et des Antilles en fait baisser le prix à partir des années 1730-1740.

Un débit de café apparait à la foire Saint-Germain à Paris en 1672, puis le célèbre café Procope ouvre en 1684. Nicolas de Blegny écrit en 1687, dans son ouvrage Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la préservation et pour la guérison des maladies, qu’à Londres, « il y a plus de 3 000 maisons destinées à boire du café[1]».

La diffusion de cette nouvelle boisson est favorisée par les vertus médicales qui lui sont attribuées dans de savants et pédagogiques recueils destinés à en expliquer l’intérêt, l’usage et la préparation. Celui de Sylvestre Dufour, De l’usage du caphé, du thé et du chocolat[2], publié en 1671, en est l’un des premiers, peut-être même le premier publié en France. On y apprend, ce que chacun sait à présent aujourd’hui, que le grain ne livre son délicieux et noir breuvage, qu’après avoir été torréfié, puis mouliné pour en obtenir une poudre fine, préparée à son tour suivant deux méthodes : l’infusion ou la décoction. Pour mener ces différentes opérations à leur terme, il convient de disposer des outils appropriés. Sylvestre Dufour offre la représentation de ceux en usage en Orient : un brûloir cylindrique et une verseuse dénomméeibrick ; la tasse servant à sa dégustation est, quant à elle, de porcelaine. Dans un premier temps, les Européens adoptent naturellement les ustensiles qui viennent ou s’inspirent du monde oriental, néanmoins de nouveaux modèles de brûloirs et de moulins sont inventés par les artisans européens. En 1701 apparaît pour la première dans un dictionnaire français, la définition d’un nouvel objet mis au point entre 1670 et 1680 : la cafetière. Elle se décline dans toutes les matières : fer blanc, cuivre, cuivre rouge, faïence, « terraille » et, pour les plus luxueuses, en argent. A ce titre, la plus ancienne verseuse à café en argent semble être conservée en Angleterre et porte les poinçons des années 1681-82. Aux armes de Richard Sterne, elle fut offerte à l’Honorable East India Company[3]. Sa forme tronconique, coiffée d’un couvercle pointu dérive de certaines verseuses de cuivre orientales et connaît une grande prospérité en Angleterre avant de s’assurer un bel avenir dans les porcelaines de commande chinoises, particulièrement dans le modèle lighthouse qui nous intéresse ici. En France, le 24 octobre 1683, le roi se fait livrer deux cafetières en argent blanc, désignées comme « potz à caffé » et destinées à Versailles[4]. En 1687, Nicolas de Blegny illustre à son tour son traité Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la préservation et pour la guérison des maladies[5] de plusieurs modèles de cafetières en fer blanc. Pansues, elles sont à fond plat ou tripodes, leur bec est long ou court et elles présentent un manche de bois droit, perpendiculaire au corps. Ces modèles sont amenés à se répandre et à équiper de nombreux foyers ainsi qu’en témoignent les inventaires après décès.

 Le rituel du café est un moment où celui qui le partage affirme son rang par le raffinement voire même l’étalage du faste déployé. La cafetière d’orfèvrerie qui associe un métal précieux à un breuvage rare, exotique et cher, aurait pu devenir dans les quinze dernières années du XVIIe siècle un nouveau symbole de luxe adopté par les élites, elle l’a d’ailleurs peut-être été… Hélas, la valeur monétaire de tels objets allait, en France, leur être fatale. Louis XIV, ordonne en effet en 1689, 1699, puis en 1705 des fontes massives d’orfèvrerie pour contribuer à l’effort de guerre et permettre une meilleure circulation de numéraire dans le royaume. Le roi, montrant l’exemple se dessaisit de 88 222 marcs d’orfèvrerie, soit près de 5 tonnes[6]. Des déclarations du roi précisent le poids maximal des objets suivant leur fonction. En 1721, une nouvelle déclaration du roi vient à nouveau encadrer et surtout limiter le poids des pièces d’orfèvrerie. Saint-Simon écrit dans ses mémoires en 1709 « Tout ce qu’il y eut de grand et de considérable se mit en huit jours à la faïence. Ils en épuisèrent les boutiques et mirent le feu à cette marchandise… [7]» Même si les historiens discutent des conséquences réelles de ces lois somptuaires en matière de fonte, la menace était là. Aussi, dans les dernières années du XVIIe siècle et les premières années du XVIIIe siècle, l’Asie offrit une alternative de prestige à la haute aristocratie désireuse de se mettre à l’abri des impérieuses nécessités de renflouer le trésor tout en s’adonnant au plaisir du café. La porcelaine, cet énigmatique matériau dont le secret de fabrication resta méconnu des Européens jusqu’en 1708, en était le moyen. Cette matière raffinée, inventée par les céramistes chinois au cours de la dynastie Tang (618 – 907), fine, translucide, d’une blancheur immaculée, robuste, non poreuse, résistante aux rayures et au feu étant, en effet, particulièrement appropriée au service et à la consommation des boissons chaudes.

Pourtant, au moment où la mode du thé, café et chocolat, se diffuse en Europe, dans les années 1670, les fours du grand site porcelainier de Jingdezhen sont, pour quelques années encore, à l’arrêt et même partiellement détruits en raison de la guerre civile qui règne en Chine de 1644 à 1685. La mise à l’arrêt du site exportateur de porcelaine profite alors au Japon voisin qui en a capté le secret de fabrication et qui commence à en produire pour l’exportation au milieu du XVIIesiècle. Ainsi, les Japonais, à la demande des agents de la VOC, la compagnie néerlandaise des Indes orientales, seuls Européens tolérés sur l’île de Deshima depuis l’adoption de la politique isolationniste du Sakoku, sont les inventeurs d’un premier modèle de récipient tronconique, en porcelaine, destiné au service du café. Inspirée d’un modèle de chope d’étain ou d’argent néerlandais de grande contenance, il ne s’agit pas d’une verseuse mais d’une fontaine. En effet, cet objet ne possède pas de bec verseur mais une bonde qui doit être appareillée d’un robinet pour permettre l’écoulement du breuvage. Une monture européenne de bronze doré lui apporte, de surcroît, piétement et enjolivement. Par la suite, les fontaines à café japonaises sont munies de trois pieds de porcelaine. Un troisième modèle à pieds anthropomorphes et anneaux bulbeux est produit entre 1730 et 1750. Toutes ces fontaines à café japonaises ont été commandées par le biais des commandes privées des agents de la VOC, et non par la Compagnie elle-même et il est curieux de constater (sauf à découvrir de nouveaux objets), que les céramistes japonais n’ont jamais réalisé de verseuse à café mais uniquement des fontaines à café.

Il faut attendre, la fin de la guerre civile en Chine, la reconstruction des fours de Jingdezhen, pour qu’enfin soit mis au point, à la demande des Européens, un premier modèle de verseuse à café en porcelaine. Initiative rendue possible par la période de paix qui s’instaure dans le courant du règne de l’empereur Kangxi (1661-1722). L’éradication de la piraterie sur les côtes entraîne la fin de la prohibition des activités maritimes en Chine en 1684. Cette pacification permet l’instauration des échanges commerciaux avec les Européens, en toute légalité. Pour les Français, cette ouverture se traduit par l’envoi d’un premier vaisseau, l’Amphitrite, à Canton en 1698. Revenu à Port-Louis à l’été 1700, la vente de ses marchandises à Nantes est un véritable succès et constitue la pierre angulaire du commerce directe entre la France et la Chine. La normalisation des échanges commerciaux à Canton prend ensuite la forme monopolistique du Co-Hong. Les agents des différentes compagnies de commerce s’établissent à partir de 1715 dans les célèbres factoreries, entrepôts et lieux d’habitation sur les bords de la rivière des Perles. C’est de là qu’ils passent commande des dizaines de millions de porcelaines qui sont importées en Europe au XVIIIe siècle par l’intermédiaire de marchands chinois qui se rendent directement à Jingdezhen.

Charles de Constant, subrécargue à Canton en 1790 pour la troisième compagnie des Indes française, en donne la méthode à l’œuvre pendant tout le XVIIIe siècle :

« Il faut en faire la demande à ceux de nos marchands qui font chaque année le voyage de King-te-tching [Jingdezhen]. Ils partiront dans le mois de mars prochain pour faire leurs emplettes et seront de retour en août, nous ne pouvons donc envoier ces échantillons que l’année prochaine […] On aura soin de les fournir d’instructions où les détails ne seront point épargnés [8]».

Parmi les modèles sollicités auprès des céramistes chinois figurent ainsi les verseuses à café. Le répertoire formel de ces dernières est bien plus vaste que celui, restreint, des fontaines à café japonaises. Il est impossible et vain d’en répertorier ici tous les modèles, néanmoins, il est tentant d’écrire que six grandes familles prédominent et ont été créées en série et en de multiples exemplaires.

La plus ancienne, exceptionnelle, date du règne de Kangxi et est en porcelaine à décor d’oxyde de cobalt sous la couverte. Son corps élancé à six pans, repose sur trois pieds boules et offre un très beau décor occidental d’une scène de chasse sous des médaillons représentant l’Enlèvement d’Europe. Elle est inspirée d’un modèle d’orfèvrerie lui-même copié par les céramistes de Delft. Une telle pièce, à six pans, en rend la réalisation technique difficile et sa fabrication est abandonnée au profit de modèles sans angles, tronconiques, cylindriques, piriformes, etc.

Le deuxième modèle à apparaître, ou plutôt la deuxième famille est précisément celle de cette impressionnante paire en porcelaine bleu et blanc. Ce modèle tronconique est désigné, dans les pays anglophones, par le terme lighthouse etsuggère une affinité de forme avec celle des phares. Le bec long qui s’achève par une tête d’oiseau et l’anse de forme sophistiquée trouvent certainement leur origine dans les modèles de cafetières en argent réalisés en Angleterre pendant le règne de la reine Anne (1702-1714). La forme savante de l’anse, à courbes et contre-courbes, crée un appui-pouce et un logement pour les doigts favorisant la préhension de l’objet. Certains voient dans cette anse les plumes de la queue d’un oiseau. S’il s’agit d’un cygne dans la version originale anglaise en argent, en considération du long bec zoomorphe, la présence d’une crête sur la tête de l’animal évoque plutôt un phénix dans la version en porcelaine chinoise. Ces modèles zoomorphes trouvent également leur inspiration dans les aiguières réalisées en Chine depuis le début du XVesiècle et particulièrement dans celles destinées à l’exportation vers la Perse ou l’Empire ottoman. Le couvercle en dôme s’achève par un bouton de préhension en bulbe. Cette typologie de verseuse a été déclinée par les porcelainiers chinois, en bleu et blanc, en imari et en famille rose avec, le plus généralement, un décor floral. Une version en porcelaine bleu et blanc, présentant des pêcheurs dans un paysage à rivière, pagodes, saules et rochers, est également connue[9] tout comme un exceptionnel exemplaire à décor européen[10]. Deux tailles sont répertoriées : la plus petite version oscille entre 27 à 28 cm de haut, tandis que la grande atteint, comme ici, 36 cm. Le décor floral de ces deux verseuses est dominé par de grandes fleurs de chrysanthèmes. Le pied, le col et la base du couvercle présentent une frise en treillis de quadrilobes en quinconce et en réserve. Ces deux verseuses, formant pendant, sont spectaculaires par leur taille, chacune pèse près de 2,5 kg, ce qui, conjugué à une contenance de plusieurs litres induit le doute quant à leur caractère utilitaire au profit d’un rôle purement décoratif.

Le modèle lighthouse perdure jusqu’au début du XIXe siècle, en évoluant vers une version plus sobre. Dans les années 1760, le couvercle perd en hauteur et l’anse devient un S renversé ou une simple boucle. Le bec en forme de tête de volatile est abandonné, mais celle-ci est évoquée dans l’attache reliant le bec au corps de la verseuse. Dans les années 1780, ce détail disparaît. Le couvercle déborde de l’encolure de la verseuse et est sommé d’un bouton en forme de fruit. Le bec se redresse et perd sa forme incurvée. L’anse est double, entrelacée à la manière d’une corde dont le départ et l’arrivée sur le corps s’inscrivent dans un motif floral en relief. Cette dernière typologie de verseuse a été largement conçue pour l’exportation vers les Etats-Unis, à partir du voyage inaugural à Canton, en 1783, du navire de la toute nouvelle nation américaine, l’Empress of China. Ce modèle lighthouse, connaît d’autres variations, notamment dans l’anse qui peut être en boucle simple. Un modèle du XIXe siècle voit son bec relevé à la verticale, etc.

Ce modèle lighthouse existe également avec une poignée latérale. Il est identifié tantôt en tant que verseuse à café et tantôt en tant que chocolatière. Dans l’orfèvrerie européenne, qui a beaucoup servi de modèle aux céramistes chinois, les verseuses en argent à poignées latérales sont associées au service du café ou du chocolat. Elles se distinguent toutefois par le trou ménagé dans le couvercle, dans le cas des chocolatières, qui sert au passage du moussoir en bois destiné à battre le chocolat avant consommation. Ce passage à moussoir se rencontre également dans les chocolatières en céramique européenne, or aucune verseuse en porcelaine de commande chinoise du XVIIIe siècle n’en dispose, impliquant par la même une certaine confusion dans leur identification et peut-être dans leur usage. Cette verseuse à prise latérale, difficile de maniement pour un gaucher, bénéficie pourtant d’un corpus important. Elle se rencontre dans toutes les tailles : 11 cm pour les plus petites, puis 13,3 ; 18 ; 22,5 ; 25 et 29 cm pour les plus grandes ; et dans toutes les familles de porcelaine : bleu et blanc, bleu poudré, Imari, famille verte (rares) et surtout en famille rose, en grisaille ou encore en émail chamois dit capucine, avec toutes sortes de décor floral ou historié de tradition chinoise ou européenne. L’une de ces verseuses est connue pour être ornée de la scène du Jugement de Paris[11]. Dans les années 1725-1750, cette forme semble avoir été la plus commandée pour être frappée des armes de famille, abondement anglaises, hollandaises[12], suédoises, françaises, autrichiennes, etc.

Le modèle ligthouse dans toute sa diversité bénéficie du plus important corpus, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu de sa longévité sur plus d’un siècle.

Plusieurs autres familles de verseuses à café en porcelaine de Chine sont connues. La troisième à apparaître, (mais la seconde en en termes de corpus), est composée de verseuses piriformes, pansues, coiffées d’un couvercle en dôme plus ou moins élevé. Elles possèdent toujours un bec en culot. Cette famille est inspirée et copie d’ailleurs clairement, dans certains cas, les verseuses à café produites par la manufacture de Meissen dès les années 1715-1720, elles-mêmes inspirées des pièces d’orfèvrerie allemande. La manufacture de Meissen créée en 1710, est la première en Europe à réaliser une porcelaine dure grâce à la découverte du chimiste Johann Friedrich Böttger (1682-1719). Le succès des porcelaines de Meissen est tel que la manufacture n’est pas en mesure de répondre à toutes les demandes des Européens, qu’à cela ne tienne, ces derniers en demandent la copie aux céramistes chinois !

La quatrième famille se caractérise par un corps balustre, peu pansu, reposant sur un court piédouche, avec un bec en S inversé et une anse à l’opposé en forme de boucle. Le couvercle est généralement en doucine renversée sommé d’un bouton de préhension en forme de bulbe. Exempt de toute fioriture, son élégance provient de la pureté et de l’équilibre de sa forme dont l’origine peut être cherchée dans le monde ottoman. Cette simplicité est généralement de mise dans l’ornementation. La blancheur immaculée de la porcelaine ne cède bien souvent la place qu’à un médaillon circulaire sur la panse dans lequel s’inscrit un motif copiant une gravure européenne. Un modèle orné d’un décor couvrant représentant Don Quichotte et Sancho Pansa est connu. Ces verseuses sont datées des années 1740-1760 et leur corpus semble très restreint.

Un autre modèle à prise latérale apparaît dans les années 1760. Le corps de la verseuse est en forme de large fût cylindrique à épaulement. Le couvercle coiffé d’un bouton de préhension en forme de fruit déborde légèrement du col. Le bec court, traité de façon naturaliste évoque une branche ; la poignée latérale courte et perpendiculaire est en crosse.

D’autres formes de verseuses à café sont répertoriées mais semblent bien plus rares en nombre comme par exemple celle, charmante, d’un curieux petit modèle à bec d’animal et fleurs rapportées, certainement inspiré d’une chope ; ou encore celle, très belle, dont le couvercle est coiffé d’un chien Shishi. Parfois seul un unicum est connu et ne peut s’apparenter à toute la production de série standardisée évoquée précédemment, mais relève certainement de commande spécifique.

Si les tasses, gobelets et leurs sous-tasses, les sucriers, les pots à lait et les théières font l’objet de lots particuliers ou de désassorti dans les ventes de la Compagnie des Indes, permettant aux acheteurs de composer eux-mêmes leur service à café à leur guise, les cafetières ne semblent pas avoir bénéficié de la possibilité d’être achetées en lot individuel et sont même absentes, ce qui est pour le moins curieux, de la composition des services à café commercialisés par la Compagnie des Indes française. Est-ce à penser, que comme pour la VOC, la Compagnie des Indes française en a laissé le commerce à ses équipages ? Ces pièces de forme étaient-elles jugées trop exposées à la casse lors du voyage ? Le soin à apporter à leur emballage pour préserver bec verseur et anse les rendait certainement plus difficiles à empaqueter que des théières ou des aiguières, plus compactes. Elles nécessitaient donc plus d’espace, or la question de l’encombrement est fondamentale sur les vaisseaux marchands dont la cargaison est de surcroît soumise à de multiples manipulations pendant les longs trajets afin de vérifier l’état du navire et le bon arrimage. Etaient-elles trop chères pour être commercialisées en « gros » suivant les méthodes de la compagnie de commerce ? Difficile de le dire en l’absence d’éléments concrets sur le sujet, mais quoi qu’il en soit, ces objets de porcelaine ont certainement comblé de plaisir les amateurs de café au XVIIIe siècle.

[1] Nicolas de Blegny, (1643?-1722). Le Bon Usage du thé, du caffé et du chocolat pour la préservation et pour la guérison des maladies. 1687, p. 96.

[2] Sylvestre Dufour, De l’usage du caphé, du thé et du chocolate. A Lyon, chez Jean Girin, & Barthelemy Riviere, en ruë Merciere, à la Prudence, 1671.

[3] Victoria and Albert museum. Londres. Cafetière en argent, 1681-82, inscription : ‘The Guift of Richard Sterne E[s]q[uire] / to ye Honorable East : India: Compa[ny]:’ Numéro d’inventaire : M.398-1921.

[4] Michèle Bimbenet-Privat, Les Orfèvres et l’orfèvrerie de Paris au XVIIe siècle, Paris. Commission des
travaux historiques de la Ville de Paris / Paris-Musées, 2002, 2 volumes.

[5] Nicolas de Blegny, opus cité.

[6] Michèle Bimbenet-Privat, opus cité.

[7] Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires du duc de Saint-Simon, tome 7. Texte établi par Adolphe Chéruel, Hachette, 1856 (Tome 7, p. 212-228).

 

[8] Louis Dermigny, Les Mémoires de Charles de Constant sur le commerce à la Chine. Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris, SEVPEN, 1964, p. 245.

[9] Christie’s, The Hodroff collection, part III, 21 janvier 2009, New-York, lot 161.

[10] David Howard et John Ayers, China for the West. Sotheby Parke Benet Publications, Londres, 1978, p. 275.

[11] Sotheby’s, The Collection Of Khalil Rizk, 25 April 2008, New-York, lot 209.

[12] Dont une aux armes Sichterman, Christie’s, The van Daalen Collection of Chinese Art, Online auction, 30 oct-6 novembre 2019, lot 78.

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