Grand plat pour le marché français / italien (Guérin de Tencin). Chine, Qianlong
Décoré en rouge sur couverte et or, avec quatre branchages fleuris sur l’aile, une frise de fers-de-lance et au centre, les armes des Guérin de Tencin dans un cartouche de style italien, d’or, au laurier de sinople, au chef de gueules, chargé d’une étoile (ici besabt) d’or côtoyée de deux besants de même, avec la croix de commandeur de l’ordre de Malte au dessus du chef. Les armes avec la croix de profession à huit pointes circonscrite dans un rosaire terminé par une croix de l’ordre de malte ; les grappins et drapeaux de général des galères de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
- Origine :
- China
- Époque :
- Qianlong (1735-1795), ca. 1745
- Matière :
- Porcelain
- Taille :
- 15.55 in. x 12.59 in. (39,5 cm x 32 cm)
- Statut :
- disponible
Oeuvres en rapport
Un service avec le même décor sur l’aile, pour le marché français, a été réalisé aux armes de Jean-Emmanuel Guignard, vicomte de Saint-Priest ( – intendant en Languedoc.
Le service de Guérin de Tencin est peint dans une dominante rouge, sans doute en référence à l’ordre de malte.
Cette commande est l’une des cinq répertoriées pour le marché français pour un membre de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Notice
Jean-Louis Guérin de Tencin est né à Grenoble, dans le sud-est de la France le 27 décembre 1702. Son père est François II Guérin de Tencin (1676-1742), écuyer, seigneur de Tencin, sénateur au souverain Sénat de Savoie, président au Parlement du Dauphiné.
Il a été éduqué et préparé pour une carrière future dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. À l’âge de 14 ans, il a été admis dans la Langue de Provence. Etant mineur, il servi comme page auprès du Grand Maître de l’Ordre, Raimondo Perellos y Rocaful. Il prit ses fonctions très au sérieux, ce qui lui a ouvert la voie à plusieurs promotions au sein de l’Ordre. En 1738, il fut nommé Grand Croix et en 1739, Capitaine-Général des Galères. La dernière partie de sa carrière navale est particulièrement marquante en raison de la capture d’un galliot tripolitain en 1740. En 1742, il fut nommé ambassadeur extraordinaire de l’Ordre auprès du Sainte Siège à Rome, où il servit jusqu’en 1749. Il fût nommé à cette époque bailli de l’Ordre de Malte.
Un accomplissement remarquable durant le mandat de Jean-Louis de Tencin à Rome fut l’acquisition de droits égaux de censure pour le Grand Maître. Avant 1747, les droits de censure à Malte appartenaient à l’inquisiteur local et à l’évêque, tandis que les documents censurés ne pouvaient être contresignés par le représentant de l’Ordre qu’en dessous d’une ligne de démarcation – l’interiecta linea – plaçant ainsi l’Ordre dans une position inférieure. La diplomatie de Tencin fut déterminante pour ouvrir la voie à l’introduction finale de l’imprimerie à Malte, qui ne pouvait avoir lieu que lorsque les droits du Grand Maître étaient pleinement affirmés.
À Rome, Tencin se lia d’amitié avec le cardinal Joaquín Fernandez de Portocarrero (1681-1760), érudit, grand collectionneur et bibliophile . La vaste bibliothèque du cardinal, estimée à 40 000 ouvrages en 1741, suscita profondément l’intérêt de Tencin, lui-même déjà propriétaire d’une collection considérable de livres. Cette amitié se révéla précieuse par la suite.
Lorsqu’il retourna à Malte en 1749, Tencin était déjà l’un des membres les plus éminents de l’Ordre et consacra son temps libre à la classification de sa bibliothèque, une tâche qu’il acheva en 1760. Tencin jouissait d’une grande popularité, comme en témoigne une « fausse » dépêche » de 1758 parue dans des gazettes étrangères, annonçant la mort du Grand Maître Manuel Pinto de Fonseca et l’accession de Tencin en tant que son successeur. À partir de 1760, il consacra son énergie à la création et à l’établissement d’une bibliothèque publique à Malte, la première du genre. La compilation du catalogue de la bibliothèque personnelle de Tencin, réalisée entre 1749 et 1760, se présente en trois parties : une préface, l’ordre du catalogue et un index alphabétique des livres. Le catalogue est structuré en plusieurs sections principales, telles que la religion, la philosophie, l’histoire, les arts et les sciences. Il contient également des sous-divisions, ainsi que des sections consacrées à la géographie, aux estampes et aux journaux. Cette organisation méthodique témoigne de la rigueur intellectuelle et de la diversité des intérêts de Tencin.
L’ami de Tencin, le cardinal Portocarrero déjà mentionné, décéda à Rome en 1760, léguant sa bibliothèque et sa collection d’instruments scientifiques et mathématiques à l’Ordre de Saint-Jean. En apprenant cela, Tencin adressa une pétition aux procureurs du Trésor de l’Ordre, exprimant son intention de fonder une bibliothèque publique à Malte. Il souhaitait, pour cette raison, acquérir les livres du défunt cardinal sous certaines conditions.
Le projet de Tencin fut accepté et approuvé. En 1761, il loua une maison située à l’angle de la Strada San Giorgio et de la Strada della Vittoria, connue sous le nom d’Il Forfantone. Cette maison devint la première bibliothèque publique de Malte, et ce fut en ces lieux que la collection du cardinal Portocarrero fut initialement abritée. Il obtenu aussi du roi de France, Louis XV, le privilège de recevoir un exemplaire de toutes les publications de l’imprimerie royale. Il mourut le 10 janvier 1766, avant la création officielle en 1776 de la Bibliotheca Tenseniana (qui portait son nom).
Sa tante, Claudine-Alexandrine de Tencin, dite « Madame de Tencin » (1682-1749), est une célèbre femme de lettre. Introduite dans les milieux du pouvoir par ses liens avec le cardinal Dubois, elle ouvre l’un des salons littéraires les plus réputés de l’époque appelé La Ménagerie. D’abord essentiellement consacré à la politique et à la finance avec les spéculateurs de la banque de Law, ce salon devient à partir de 1733 un centre littéraire. Les plus grands écrivains de l’époque et des personnalités célèbres le fréquentent, en particulier comme Marivaux, Marmontel, Helvétius, Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu.
Il est aussi le neveu du Cardinal de Tencin (1680-1758), archevêque de Lyon et homme politique sous Louis XV. Jean-Louis Guerin de Tencin fait d’ailleurs organiser des fêtes pour célébrer l’élévation au cardinalat de son oncle. Le 13 mai 1739, après le chant du Te Deum dans l’église dédiée à Saint Laurent à Birgu, en face de la Valette, tous les galères et vaisseaux saluèrent par des coups de canon.
L’ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Malte
En 1530, Charles Quint offre l’île de Malte à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qui, ayant perdu Rhodes en 1522, l’accepte et en fait son siège. Malte devient un état souverain et l’Ordre de Saint-Jean reprend ses activités. Sa force navale, quoique petite, assure la police de la mer. Les galères croisent l’été, les vaisseaux croisent l’hiver. Comme les galères sont censées être les premières de la chrétienté, tous les vaisseaux des puissances catholiques leur doivent le salut. La galère capitane porte le pavillon blanc qui est toujours arboré au balcon du général des galères qui demeure sur le pont des galères. Les voiles des galères sont palées de rouge et de blanc et ont dans le milieu les armes de l’Ordre. Les puissances européennes cherchaient souvent leur personnel maritime auprès du Grand Maître
Pour devenir chevalier et faire carrière dans l’Ordre de Malte, le candidat dont les preuves de noblesse avaient été acceptées, devait venir à Malte pour faire son noviciat. Il y faisait ensuite ses caravanes. Dans ses Mémoires, le comte de Saint-Priest nous laisse le témoignage d’un jeune caravaniste en mer. Il explique que « les ‘caravanes’ étaient des croisières auxquelles tout chevalier de Malte était astreint de prendre part au moins une fois dans sa vie.